La Psychanalyse des Contes de Fées
Cours 1 : Introduction à la Psychanalyse
1) Qu'est ce qu'un conte ?Attesté dès 1080, le mot dérive de "conter" (du latin computare), " énumérer", puis "énumérer les épisodes d'un récit", d'où "raconter". La réfection savante "compter" ne fut longtemps qu'une variante orthographique, et les deux formes sont employées indifféremment dans les deux sens jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Conformément à son origine populaire, conte, comme conter et conteur, a toujours fait partie du langage courant, d'où son emploi souvent imprécis.
En tant que pratique du récit, le conte appartient à la fois à la tradition orale populaire et à la littérature écrite. D'ailleurs, les points communs entre les deux domaines sont innombrables, sans qu'il soit possible, le plus souvent, d'établir s'il s'agit d'influence génétique directe ou de simple appartenance à un fonds thématique commun qui n'est d'ailleurs pas spécifique au conte.
Jusqu'à une époque récente, la pratique du conte populaire était une situation de communication concrète, orale. Le narrateur était présent et interpellait l'auditoire, qui intervenait parfois dans le récit.
2) Le conte merveilleuxLe conte merveilleux, si important dans la tradition orale, est beaucoup moins fréquent en littérature, sans doute parce que le surnaturel y prend d'autres formes et s'y fait plutôt fantastique, ou onirique, ou bien surréel selon les époques à moins qu'il ne tourne à la facétie.
Le conte merveilleux populaire est entièrement sous le signe de la fictivité. Il suppose un "jeu" de la part de l'auditeur, qui peut sans trouble aucun feindre de prêter foi aux événements narrés, parce que le conte, sécrétant son espace, son temps, ses personnages propres, est entièrement coupé de la réalité - qu'il ne peut donc menacer.
Loin d'être une marque de la crédulité populaire, il témoigne d'une grande sophistication.
Le conte est un récit de fiction généralement assez bref qui relate au passé les actions, les épreuves, les péripéties vécues par un personnage (ou parfois un groupe de personnages). Ce qui distingue d'emblée le conte des autres formes de récit, c'est sa "fictivité avouée" (l'expression est de Michèle Simonsen): l'histoire racontée se déroule dans un autre temps (la narration se fait toujours au passé) et un autre lieu que ceux où prennent place le conteur et le destinataire.
3) ParticularitésLes célèbres formules comme "Il était une fois" ou "En ce temps-là" qui ouvrent un grand nombre de contes suggèrent d'entrée de jeu la distance qui sépare l'univers du conte et notre monde, la fiction et le réel. Cet univers est la plupart du temps indéterminé, c'est-à-dire que les temps et les lieux sont rarement évoqués avec précision; l'actualisation reste vague, de sorte que le conte donne l'impression de se situer en dehors du monde actuel (le roman au contraire cherche à s'inscrire dans le monde actuel en y situant l'histoire racontée, et la nouvelle est encore plus ancrée dans le présent des interlocuteurs).
Parmi les autres caractéristiques par lesquelles le conte s'affirme comme fiction, il y a les invraisemblances de toutes sortes. Dans le conte, tout est possible: un personnage peut dormir cent ans, les objets peuvent être doués de pouvoirs, les êtres faibles peuvent triompher du Mal, etc.
Les lois qui régissent l'univers des contes ne sont pas toujours les mêmes que celles qui régissent le monde réel. C'est pourquoi l'on a pu dire que le conte est une "forme close". En outre, les personnages n'ont aucune profondeur ; ils ne sont pas vraisemblables puisqu'ils sont ou méchants ou gentils, il n'y a pas de compromis possible, les personnages n'ont qu'une seule facette.
4) Message C'est un genre optimiste: la plupart du temps, le conte finit bien. Il présente une vision rassurante du monde, d'où l'impression que le conte s'adresse aux enfants. Mais le conte est souvent cru et violent: il y a des meurtres (ex. l'Ogre qui mange les enfants), des combats, des souffrances physiques et morales décrites sans détour, etc. Il arrive même que le conte se termine mal (par exemple, le Petit Chaperon rouge).
C'est seulement depuis le XVIIe siècle en France que les contes sont destinés aux enfants. Dans les sociétés traditionnelles, les contes s'adressent aux adultes. Dans les souks, par exemple, des conteurs attitrés s'entourent régulièrement d'auditoires d'hommes et de femmes
Malgré sa "fictivité avouée", le conte s'inscrit dans une communauté: il est marqué par les valeurs et les codes qui la caractérisent. Il est issu de la tradition populaire: plusieurs de ses éléments appartiennent à la mémoire collective (on a longtemps dit que le conte était fait par et pour le peuple, et le fait que les contes soient identifiés à des auteurs précis est relativement récent; longtemps le conte a été anonyme, il appartenait en quelque sorte à tous).
C'est ce qui explique que le conte comporte souvent un aspect moral, voire didactique (qui a un but instructif) : le conte s'adresse aux membres de la communauté et cherche à édifier (pas seulement les enfants). Il y a des contes qui relèvent de la fonction étiologique: ils expliquent les merveilles et les horreurs du monde aux auditeurs (c'était le cas plus encore dans le mythe).
Les fonctions didactiques ne prennent jamais le pas sur la fonction ludique: on écrit et on dit un conte pour divertir, pour amuser. Les personnages pittoresques ou grotesques, les lieux imaginaires ou idéalisés, les épreuves du héros, tout dans le conte vise à permettre au lecteur ou à l'auditeur de s'évader du quotidien banal (c'est pourquoi on a souvent parlé de la magie du conte).
Le conte est associé aux loisirs d'une société (en général traditionnelle): c'est un divertissement. Le rôle social du conte, c'est de cimenter la communauté. Dans la plupart des sociétés, le conte est une activité sociale: on organise des veillées de contes, des compétitions de conteurs devant un public, etc. Le conte populaire est un récit oral et beaucoup de contes n'existeront que sous cette forme, avant de disparaître: seuls quelques contes, en Afrique, sont passés à la littérature. Ils reçoivent alors un encadrement énonciatif (mise en scène de l'auditoire, prologue destiné à établir le silence). En Occident, il y a des contes écrits, sans encadrement, mais ils sont destinés à la jeunesse, le plus souvent. Un lien subsiste avec le didactique et le ludique, par exemple dans les contes de Noël.